Emmanuel Macron a pour projet de réformer l'ENA, école de l'élite française. Le chef de l'Etat souhaite réformer le cursus de formation en mettant en place un tronc commun à toutes les grandes écoles publiques de formation des fonctionnaires.
Plus proche du terrain, plus ouverte à la diversité sociale : la nouvelle ENA qui verra le jour en 2022 va s'inspirer du rapport Thiriez qui tente de répondre aux nombreuses critiques sur "l'entre-soi" sans bousculer les grands corps et la magistrature, soucieux de leur indépendance. Le 25 avril, Emmanuel Macron avait créé la surprise en annonçant "la suppression de l'ENA" et la fin des grands corps (Conseil d'État, Cour des Comptes, Inspection des finances, Mines, Ponts etc.). Créée en 1945 par le général de Gaulle pour démocratiser le recrutement des hauts fonctionnaires avec un concours d'accès unique, l'ENA a été fortement critiquée pendant la crise des "gilets jaunes" pour sa formation d'élites "hors sol".
Mais au fil des mois, la levée de boucliers des institutions en question, relayée selon plusieurs médias jusqu'au sommet du gouvernement (Édouard Philippe est issu du Conseil d'État), a conduit à une réforme plus consensuelle. Ainsi, a annoncé Matignon, les grandes écoles publiques de formation des fonctionnaires (Santé, police, magistrature) et ingénieurs de l'État (X, Mines, Ponts etc) ne seront pas fusionnées. Le rapport suggère une formation commune de 6 mois, dont un stage de 4 mois au plus près du terrain, 3 semaines de "préparation militaire" et 3 semaines d'encadrement de jeunes du service national universel.
Dans un communiqué, le Premier ministre n'a pas précisé la durée ni le contenu de ce "tronc commun" - qu'il a néanmoins retenu comme piste de travail - laissant une forte marge de négociation aux écoles.
Une école qui "garantit dès l'entrée l'appartenance à la haute fonction publique"
L'ENA est sans équivalent en Europe et dans le monde. L'école est héritée de l'histoire des grands corps de l'État, comme l'ensemble des grandes écoles (ENS, Polytechnique...). Contrairement aux énarques, la très grande majorité des hauts fonctionnaires européens doivent suivre un long cursus hiérarchique, leur interdisant une rapide carrière au sommet. "Dans la plupart des pays européens, les fonctionnaires, même 'hauts', sont des cols blancs qui ne jouissent d'aucun prestige social particulier (...). En France être énarque c'est posséder un statut qui garantit dès l'entrée l'appartenance à la haute fonction publique", explique à l'AFP Jean-Michel Eymeri-Douzans, professeur des universités et président du groupe européen de l'administration publique. Les énarques "ont vocation à des carrières sommitales quasi-immédiates : conseil d'État ou inspection des finances à 28 ou 30 ans, ministre à 35 et... président de la République à 39", ajoute ce spécialiste.
Quatre des six derniers chefs de l'État, dont Emmanuel Macron, sont issus de l'ENA, mais ses liens avec le monde politique sont "à relativiser", selon les rapporteurs : les énarques ne représentent que 10% des membres du gouvernement et 3% des députés. Toutefois, aujourd'hui encore, les fils de cadres représentent toujours 70% des promotions, constate le rapport piloté par l'ex-président de la Ligue professionnelle de football - et énarque - Frédéric Thiriez.
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Source : Agence France Presse